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Faire le lien entre les émotions et les techniques d’interprétation ou de création vocale

02 / 09 / 2024 | Fabien Rouan

Chanter, c’est parler, mais avec une maîtrise plus fine des paramètres des différents sons prononcés. L’intonation « parlée » devient en chantant des hauteurs définies, les durées des sons se combinent pour former des rythmes particuliers à une vitesse spécifique, l’accentuation de certaines syllabes devient tout un geste vocal. Aussi, mettre en musique un texte c’est attribuer aux sons de la langue des paramètres musicaux : la prosodie de la langue qui permet de dire est ainsi remplacée par la mélodie qui permet de chanter. On peut appeler « phrasé vocal » l’espace de liberté qu’il existe entre ce qui est fixé sur la partition ou le chant enregistré et ce qu’on peut en faire dans l’interprétation sans dénaturer la phrase. Cet espace varie évidemment selon le genre musical interprété mais également en fonction d’objectifs en apparence contradictoires, en vérité complémentaires, de notre discipline.

Faire ses propres choix en matière d’interprétation suppose que l’élève ait un répertoire d’outils, de techniques qu’il peut mobiliser selon l’objet à interpréter. Choisir un phrasé spécifique pour une phrase donnée, pour l’élève c’est chercher à mobiliser une technique particulière pour susciter un effet spécifique. Expliquer ce choix constitue un attendu important de la discipline. Pour réussir cela, il doit s’être exercé personnellement à l’effet des variations du phrasé sur la phrase musicale. Dans le même temps, la pratique vocale dans le cours d’éducation musicale est essentiellement — et fondamentalement — une pratique collective. L’éducation musicale est le lieu où la langue est le moyen et la fin d’une interprétation et où le collectif sert l’individu proportionnellement à ce que l’individu sert le collectif.

Si l’aspect prosodique de la langue est intuitif pour les élèves en pratique, il l’est moins souvent comme objet de réflexion. De la même manière, l’objectivation de l’articulation entre la musique (les rythmes, les différentes intensités, et les hauteurs à chanter) et la langue (les syllabes des mots et les phrases prononcées) dans une expressivité choisie qui peut elle-même modifier le message est loin d’être évidente. D’ailleurs, aux interrogations de l’enseignant portant sur la manière de chanter d’un interprète, les élèves répondent souvent en s’appuyant plutôt sur le texte.
On peut envisager des pistes de travail dans la pratique vocale qui permettent cette objectivation de la prosodie et facilitent donc les choix d’interprétation ou de création des élèves.

Échauffement
  Ritualiser le travail à partir d’émotions différentes imposées sur une même phrase musicale : varier l’émotion et l’expression du visage sur des voyelles. Les variations de l’accompagnement peuvent induire des modifications de l’expression attendue.

- Jouer des expressions de communication sur des virelangues ou bien sur un grommelot. Cette pratique permet d’engager le corps entier dans l’expressivité en mettant de côté, momentanément, les contraintes de la langue.

  Pratiquer les paramètres du son : en cercle, l’élève « passe » le son qui ne doit jamais s’interrompre à son voisin (le son peut être matérialisé par un objet). Chaque élève devra modifier un ou plusieurs paramètres du son selon la consigne.

Faire du phrasé vocal un objet d’analyse
  Comparer les phrasés de plusieurs élèves sur des phrases ciblées, interroger les possibilités.
  L’enseignant peut modifier son phrasé, montrer des exemples différents, pointer cohérences et incohérences avec le texte.
  Imiter le phrasé instrumental.
  Explorer les possibilités d’une mise en voix sur un poème sans imposer le chant.

Varier les objectifs pédagogiques des projets musicaux
  Permettre aux élèves de s’éloigner de l’interprétation de l’enseignant pour s’approprier le chant, être pleinement créatif.